Bâtiment : la canicule intègre le régime du chômage intempéries

Adrien Maridet - Le 11/06/2025
Dans cet article :

    Comme c'est le cas depuis plusieurs années au retour des beaux jours, la France subit des périodes de fortes chaleurs de plus en plus précoces. Face à la canicule, les salariés du bâtiment travaillant en extérieur se retrouvent en première ligne. Attendu depuis de longs mois, un décret publié au Journal officiel du 29 juin 2024 a acté la prise en charge de la canicule dans le cadre du régime d'indemnisation du chômage intempéries, comme le sont déjà la neige, le vent violent ou les inondations.

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    Dernière actu :

    Une étude menée par France Stratégie fait état de l'évolution du monde du travail face au changement climatique. Avec la multiplication récente des épisodes de fortes chaleurs, les travailleurs du BTP se retrouvent "en première ligne" et parmi les métiers les plus exposés aux conséquences du dérèglement climatique. Près de 9 ouvriers sur 10 assurent notamment que leurs conditions de travail, déjà difficiles, se dégradent avec la hausse des températures.

    Publiée le 29 juin 2023, la note d'analyse révélait que les mesures réglementaires et de prévention mises en place étaient incomplètes et ne tenaient pas suffisamment compte des impacts directs du réchauffement climatique sur les travailleurs. "Les dispositifs réglementaires en vigueur restent insuffisants car ils s'inscrivent dans une logique de gestion d'événements exceptionnels, au détriment d'une approche plus structurelle" et globale, estimait l'institution autonome intervenant auprès du Gouvernement.

    👉 Bonne nouvelle, la canicule a intégré la liste des conditions atmosphériques pouvant permettre l'indemnisation des arrêts de chantiers pour cause d'intempéries, à la suite d'un décret en date du 28 juin, publié au Journal officiel du 29 juin 2024. Les épisodes de canicule deviennent donc un motif de chômage technique temporaire pour les salariés du secteur du bâtiment.

    Comme plus de 3,5 millions de personnes, soit près de 15 % des salariés français, les employés du bâtiment et de la construction sont nombreux à travailler en extérieur par tous les temps. Sur les chantiers prévus au cours de l'été, les travailleurs sont particulièrement exposés aux fortes chaleurs, qui se multiplient ces dernières années et rendent parfois difficile, voire dangereuse, l'exécution du travail.

    Pour la troisième assemblée constitutionnelle française, plus connue sous le nom de Conseil économique, social et environnemental (CESE), "prendre conscience des relations entre réchauffement climatique et activités professionnelles est plus que jamais nécessaire". Composée de représentants sociaux, l'instance assure le lien entre les pouvoirs publics et les citoyens, en rendant des avis consultatifs et autres rapports d'information au Gouvernement.

    "La canicule de l'été 2022 est une illustration inquiétante des effets importants du changement climatique sur le monde du travail. Ses impacts sur les conditions de travail se traduisent par des risques accrus d'accidents et de maladies à caractère professionnel", souligne le CESE, dans le cadre de son étude intitulée "Travail et santé-environnement : quels défis à relever face aux dérèglements climatiques ?", présentée en assemblée plénière le 25 avril 2023.

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    En chiffres :
    En 2023, la Direction générale du Travail et Santé publique France ont dénombré 11 accidents du travail mortels potentiellement liés à la chaleur. Ces incidents tragiques ont été recensés tout au long de l'été, marqué par quatre épisodes caniculaires. Près de la moitié d'entre eux sont survenus dans le secteur de la construction et des travaux.

    Pas d'indemnisation automatique prévue jusqu'à présent

    Pourtant, dans le BTP, la réglementation est longtemps restée assez floue en ce qui concerne la canicule. Et pour cause, contrairement aux inondations, au gel, à la neige, au verglas ou aux vents violents, les épisodes de canicule n'étaient pas considérés comme des intempéries donnant automatiquement droit à des indemnités chômage en cas d'arrêt temporaire d'un chantier.

    Comme le précisait jusqu'à présent le Code du travail, le régime du chômage intempéries peut être mis en place dans le BTP lorsque les conditions "rendent dangereux ou impossible l'accomplissement du travail, eu égard soit à la santé ou à la sécurité des salariés, soit à la nature ou à la technique du travail à accomplir". S'il est acté, il garantit une rémunération aux travailleurs lorsque les employeurs décident d'arrêter temporairement un chantier.

    Alors que la prise en compte de la canicule pouvait jusqu'alors être étudiée sous certaines conditions et au cas par cas, notamment lorsqu'un département est placé en vigilance orange ou rouge, elle pouvait donner lieu à une indemnisation, une fois la demande examinée par la Caisse régionale de congés intempéries du BTP (CIBTP).

    Le risque canicule désormais reconnu comme intempéries

    Avec des températures dépassant allègrement les 30 °C et atteignant même les 40 °C au beau milieu de l'après-midi, la pénibilité est accrue. Pire, en travaillant en plein soleil, le risque d'être victime d'un coup de chaleur ou d'une déshydratation grave n'est pas à exclure.

    Pour "limiter l'exposition des travailleuses et travailleurs à des températures extérieures élevées", le CESE préconisait d'intégrer le risque canicule en tant qu'intempéries, "par voie réglementaire, après une négociation cadre entre les partenaires sociaux du BTP". Alors que l'avis consultatif a été adopté à l'unanimité par les membres de l'assemblée consultative, le texte tant attendu a vu le jour fin juin, avec la publication d'un décret publié au Journal officiel du 29 juin 2024.

    Désormais, les périodes de canicule sont donc bien intégrées au régime du chômage intempéries, contribuant à "permettre une prise en charge de l'interruption de l'activité en raison de la canicule", détaille le texte.


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    Des critères d'éligibilité spécifiques

    Au même titre que les demandes de remboursement, les déclarations d'arrêts de chantier en raison de la canicule doivent être faites par l'entreprise auprès des caisses régionales de congés intempéries. Une demande peut être prise en compte si l'arrêt survient entre le 1ᵉʳ juin et le 15 septembre, soit pendant la période de veille saisonnière.

    En parallèle, le travail doit être interrompu sur les chantiers, sans risque de sanction pour les salariés, si l'une des deux situations suivantes se produit :

    • une alerte de vigilance canicule orange ou rouge, correspondant à au moins 3 jours et 3 nuits consécutifs de chaleurs intenses, a été émise par Météo France dans le département du chantier concerné par l'arrêt de travail
    • un arrêté préfectoral ordonne une suspension d'activité pour le même motif.

    Quelles modalités d'indemnisation et de remboursement ?

    Comme pour les autres risques couverts par le chômage intempéries, l'entreprise reçoit un remboursement partiel des indemnités versées aux salariés durant la période d'arrêt. Les collaborateurs continuent d'être indemnisés à partir du deuxième jour, à hauteur de 75 % de leur salaire brut.

    Pour les arrêts liés à la canicule, le niveau d'indemnisation est calculé de manière spécifique et se fait en deux étapes, avec pour objectif de "rembourser au mieux les entreprises concernées sans réduire le niveau de couverture sur les risques "historiques" et sans augmenter le taux de cotisation" des employeurs, précise la CIBTP.

    Les pics de chaleur exclus du dispositif

    En revanche, la mesure réglementaire n'intègre pas, pour l'heure, les pics de chaleur dans le régime du chômage intempéries. Contrairement aux épisodes dits caniculaires, ces périodes de fortes chaleurs d'une à deux jours correspondent au niveau de vigilance canicule jaune mis en place par Météo France, durant lesquelles les entreprises ont la possibilité de maintenir l'activité sur les chantiers de construction et de rénovation.

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    ⚠️ Risques liés à la chaleur : les obligations des employeurs renforcées en 2025

    Les chaleurs écrasantes constatées pendant l'été ne sont plus une possibilité, mais bien une réalité et un risque professionnel à part entière. Ce que les entreprises faisaient déjà généralement par bon sens devient désormais une obligation légale : adapter les horaires, protéger les salariés de la chaleur, former aux bons gestes..., à partir de juillet 2025, ces mesures de prévention devront être appliqués systématiquement.

    📅 Un nouveau cadre légal dès juillet 2025

    Publié au Journal officiel le 1er juin 2025, le décret sur la protection des travailleurs contre les risques liés à la chaleur entrera en vigueur dès le 1er juillet 2025. Il s’inscrit dans un contexte de dérèglement climatique de plus en plus marqué, après un nouvel été historiquement chaud. 

    L’objectif du Gouvernement est clair : anticiper les vagues de chaleur à venir en imposant des mesures concrètes et spécifiques à tous les employeurs, notamment dans les secteurs les plus exposés comme le bâtiment, afin de préserver la santé et la sécurité des travailleurs. Le tout, en limitant leur exposition aux vagues de chaleur intense et en adaptant les conditions de travail dès que le thermomètre s'emballe.

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    À noter :
    D'après le ministère de la Transition écologique, le nombre de jours de fortes chaleurs devrait doubler en France, d'ici à 2050, en raison du réchauffement climatique, avec des vagues de chaleur "de plus en plus intenses, fréquentes, précoces et longues".

    🌡 Des mesures liées aux seuils de vigilance canicule de Météo-France

    Ce nouveau cadre s’appuie sur les niveaux de vigilance canicule établis par Météo-France. En fonction du seuil de vigilance météorologique atteint (jaune, orange, rouge), les entreprises devront adapter leur organisation et mettre en œuvre des mesures spécifiques. L’approche est évolutive, pour permettre aux employeurs d’ajuster les conditions de travail en temps réel ou de suspendre temporairement l'activité, selon l’intensité de l'épisode caniculaire et la gravité de la situation.

    • Vigilance verte : situation normale, sans risque particulier.
    • Vigilance jaune : chaleur intense sur 1 à 2 jours, avec un risque pour la santé lié à l’effort physique ou aux conditions de travail.
    • Vigilance orange : canicule avérée, durable et dangereuse pour l’ensemble des personnes exposées.
    • Vigilance rouge : canicule exceptionnelle, très intense, étendue et à fort impact sanitaire, pouvant perturber l'activité.

    ⚠️
    Important :
    Un épisode de chaleur intense correspond à un passage en vigilance jaune, orange ou rouge. Lorsque les seuils de vigilance orange ou rouge sont atteints dans un département, les périodes de canicule ouvrent droit à l’indemnisation des arrêts de travail dans les entreprises du bâtiment, sous réserve des conditions fixées par le régime de chômage intempéries.

    🕒 Réorganisation du travail pendant les fortes chaleurs

    Le décret du 27 mai 2025 impose aussi une adaptation concrète de l’organisation du travail pour éviter les pics de chaleur : aménagement des horaires, suspension des tâches physiques les plus pénibles aux heures les plus chaudes, allongement ou réorganisation des temps de pause.

    ☀️ Aménagement des postes et réduction de l’exposition à la chaleur

    Les employeurs devront aussi limiter l’exposition directe au soleil et réduire l’accumulation de chaleur sur les postes de travail. Cela passe par la mise en place de brumisateurs, de ventilateurs, d'ombrières, de pare-soleil ou de bâches thermiques.

    🚰 Accès à l’eau et équipements obligatoires

    Garantir l’accès à l’eau potable fraîche devient une obligation formelle : l’employeur est tenu de fournir une quantité suffisante d'eau à proximité immédiate des postes de travail et de "maintenir au frais l'eau destinée à la boisson", avec un minimum de 3 litres par jour et par salarié, en l'absence d'eau courante.

    Des équipements de protection individuelle (casquettes, vêtements respirants, serviettes rafraîchissantes, lunettes de soleil...) doivent aussi être mis à disposition des salariés. L’absence de ces dispositifs peut exposer l’employeur à des sanctions en cas de contrôle de l’inspection du travail.

    ✅ Information, formation et protocoles de secours

    Le décret renforce aussi l’aspect prévention. La formation des salariés devient obligatoire pour reconnaître les signes d’un coup de chaleur, adopter les bons réflexes, déclencher les procédures d’alerte et mettre en place les protocoles de secours adaptés, en particulier pour les travailleurs isolés.

    📋 Les entreprises du bâtiment, en première ligne face à la chaleur

    Les entreprises du bâtiment sont particulièrement concernées. Elles devront désormais intégrer le risque chaleur dans leur document unique d’évaluation des risques (DUER) et dans les plans de prévention, notamment lors de chantiers multi-intervenants.

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    Important :
    Si l'employeur ne respecte pas ces obligations, il risque des sanctions, en plus de voir le chantier se vider de ses travailleurs, amenés à exercer leur droit de retrait.

    🗣️ Le témoignage du Pro : des journées de travail repensées en été

    À la tête de l'entreprise CFP Techni-façades, basée à Brugheas (Allier) et spécialisée dans l’isolation par l’extérieur et le ravalement de façade, Philippe Gentil ne laisse pas la météo dicter sa loi sur les chantiers. Une gestion du quotidien pensée en concertation avec ses équipes pour préserver la santé de tous.

    "J’ai laissé le choix à mes gars, ça les arrange de fonctionner en journée continue toute l’année, et pas seulement en été, lorsqu'il fait très chaud. Chacun amène son petit truc à grignoter et on mange rapidement sur le pouce. L’été, on n’a pas le choix, c’est vite intenable. L’hiver, ça ne fait plaisir à personne de manger dehors par 4 ou 5 °C, donc on enchaîne, ça fait une belle journée, mais on rentre plus tôt derrière", reconnaît le co-gérant de la société, façadier de métier.

    "Lorsqu'on travaille en extérieur, la météo peut avoir un gros impact et ralentir l'avancée d'un chantier. Dans certains cas, il est même impossible de travailler, notamment en cas de gel (pour la pose d'enduits, par exemple, NDLR) ou de grosses chaleurs", précise Philippe Gentil, qui a créé l'entreprise en 2017, avec deux associés.

    "Au retour des très grosses chaleurs, on adapte les journées en prenant plus tôt le matin et en s'arrêtant avant que les conditions de travail ne deviennent trop compliquées. En temps normal, on attaque à 7h-7h30 et on finit à 15h. L’été, on s’organise en fonction de la chaleur et des températures annoncées, on peut prendre à 6h ou même à 5h30 et on termine à 13h, mais ça fait deux ans qu’on ne bouge pas : on reste globalement sur du 7h-15h", note le chef d'entreprise.

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    1. Rester informé des nouvelles réglementations

    Le directeur doit régulièrement consulter les mises à jour des réglementations sur le travail en conditions de chaleur extrême, notamment celles émises par le gouvernement ou les organismes de santé au travail. 

    2. Répartir les tâches pour adapter les plannings

    Le responsable technique doit, en fonction des nouvelles réglementations, adapter les plannings de travail. Cela inclut de décaler les horaires pour que les tâches les plus physiques soient effectuées tôt le matin ou en fin de journée, lorsque les températures sont plus clémentes. Les plannings doivent être partagés avec le chef de chantier, qui s’assurera de leur mise en œuvre sur le terrain.

    3. Assurer l'approvisionnement en eau et les zones de repos

    Le chef de chantier doit s'assurer que chaque site est bien équipé en points d'eau potable et en zones d'ombre ou de rafraîchissement. La secrétaire peut être chargée de la logistique, en veillant à ce que les stocks d'eau soient suffisants et en commandant des équipements supplémentaires si nécessaire (comme des tentes pour créer de l’ombre). Une fiche de vérification quotidienne pourrait être mise en place pour s’assurer que ces éléments sont bien en place chaque matin.

    4. Veiller au bien-être des ouvriers 

    Le chef de chantier doit aussi être attentif à la condition physique des ouvriers en période de canicule. Il peut désigner un référent sur chaque chantier, chargé de surveiller les signes de coup de chaleur parmi les équipes et de rappeler l'importance des pauses régulières et de l'hydratation. Des briefings quotidiens avant le début des travaux peuvent être organisés pour sensibiliser les équipes sur les risques de la chaleur.

    👉 Montrez à vos futurs clients que vous êtes une entreprise qui prend vraiment soin de ses ouvriers et livre des chantiers de qualité, même dans des conditions difficiles. C’est ce genre d’engagement qui peut faire la différence et qui donne envie aux clients de vous faire confiance.


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    Références :

    • "La canicule entre dans le régime d'indemnisation du chômage intempéries", Prévention BTP
    • "Les arrêts canicule officiellement intégrés au chômage intempéries du BTP", CIBTP France
    • "La prise en charge du risque de canicule", CIBTP Île-de-France
    • "Travail et santé-environnement : quels défis à relever face aux dérèglements climatiques ?, lecese.fr
    • "La canicule enfin décrétée comme nouveau motif de chômage technique dans le BTP", Libération

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