BTP : la canicule intègre le régime du chômage intempéries

Adrien Maridet - Le 15/07/2024
Dans cet article :

    Comme c'est le cas depuis plusieurs années au retour des beaux jours, la France subit des périodes de fortes chaleurs de plus en plus précoces. Face à la canicule, les salariés du BTP travaillant en extérieur se retrouvent en première ligne. Attendu depuis de longs mois, un décret publié au Journal officiel du 29 juin 2024 a acté la prise en charge de la canicule dans le cadre du régime d'indemnisation du chômage intempéries, comme le sont déjà la neige, le vent violent ou les inondations.

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    Dernière actu :

    Une étude menée par France Stratégie fait état de l'évolution du monde du travail face au changement climatique. Avec la multiplication récente des épisodes de fortes chaleurs, les travailleurs du BTP se retrouvent "en première ligne" et parmi les métiers les plus exposés aux conséquences du dérèglement climatique. Près de 9 ouvriers sur 10 assurent notamment que leurs conditions de travail, déjà difficiles, se dégradent avec la hausse des températures.

    Publiée le 29 juin 2023, la note d'analyse révélait que les mesures réglementaires et de prévention mises en place étaient incomplètes et ne tenaient pas suffisamment compte des impacts directs du réchauffement climatique sur les travailleurs. "Les dispositifs réglementaires en vigueur restent insuffisants car ils s'inscrivent dans une logique de gestion d'événements exceptionnels, au détriment d'une approche plus structurelle" et globale, estimait l'institution autonome intervenant auprès du Gouvernement.

    👉 Bonne nouvelle, la canicule a intégré la liste des conditions atmosphériques pouvant permettre l'indemnisation des arrêts de chantiers pour cause d'intempéries, à la suite d'un décret en date du 28 juin, publié au Journal officiel du 29 juin 2024. Les épisodes de canicule deviennent donc un motif de chômage technique temporaire pour les salariés du secteur du bâtiment.


    Comme plus de 3,5 millions de personnes, soit près de 15 % des salariés français, les employés du bâtiment et de la construction sont nombreux à travailler en extérieur par tous les temps. Sur les chantiers prévus au cours de l'été, les travailleurs sont particulièrement exposés aux fortes chaleurs, qui se multiplient ces dernières années et rendent parfois difficile, voire dangereuse, l'exécution du travail.

    Pour la troisième assemblée constitutionnelle française, plus connue sous le nom de Conseil économique, social et environnemental (CESE), "prendre conscience des relations entre réchauffement climatique et activités professionnelles est plus que jamais nécessaire". Composée de représentants sociaux, l'instance assure le lien entre les pouvoirs publics et les citoyens, en rendant des avis consultatifs et autres rapports d'information au Gouvernement.

    "La canicule de l'été 2022 est une illustration inquiétante des effets importants du changement climatique sur le monde du travail. Ses impacts sur les conditions de travail se traduisent par des risques accrus d'accidents et de maladies à caractère professionnel", souligne le CESE, dans le cadre de son étude intitulée "Travail et santé-environnement : quels défis à relever face aux dérèglements climatiques ?", présentée en assemblée plénière le 25 avril 2023.

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    En chiffres :
    En 2023, la Direction générale du Travail et Santé publique France ont dénombré 11 accidents du travail mortels potentiellement liés à la chaleur. Ces incidents tragiques ont été recensés tout au long de l'été, marqué par quatre épisodes caniculaires. Près de la moitié d'entre eux sont survenus dans le secteur de la construction et des travaux.

    Pas d'indemnisation automatique prévue jusqu'à présent

    Pourtant, dans le BTP, la réglementation est longtemps restée assez floue en ce qui concerne la canicule. Et pour cause, contrairement aux inondations, au gel, à la neige, au verglas ou aux vents violents, les épisodes de canicule n'étaient pas considérés comme des intempéries donnant automatiquement droit à des indemnités chômage en cas d'arrêt temporaire d'un chantier.

    Comme le précisait jusqu'à présent le Code du travail, le régime du chômage intempéries peut être mis en place dans le BTP lorsque les conditions "rendent dangereux ou impossible l'accomplissement du travail, eu égard soit à la santé ou à la sécurité des salariés, soit à la nature ou à la technique du travail à accomplir". S'il est acté, il garantit une rémunération aux travailleurs lorsque les employeurs décident d'arrêter temporairement un chantier.

    Alors que la prise en compte de la canicule pouvait jusqu'alors être étudiée sous certaines conditions et au cas par cas, notamment lorsqu'un département est placé en vigilance orange ou rouge, elle pouvait donner lieu à une indemnisation, une fois la demande examinée par la Caisse régionale de congés intempéries du BTP (CIBTP).

    Le risque canicule désormais reconnu comme intempéries

    Avec des températures dépassant allègrement les 30 °C et atteignant même les 40 °C au beau milieu de l'après-midi, la pénibilité est accrue. Pire, en travaillant en plein soleil, le risque d'être victime d'un coup de chaleur ou d'une déshydratation grave n'est pas à exclure.

    Pour "limiter l'exposition des travailleuses et travailleurs à des températures extérieures élevées", le CESE préconisait d'intégrer le risque canicule en tant qu'intempéries, "par voie réglementaire, après une négociation cadre entre les partenaires sociaux du BTP". Alors que l'avis consultatif a été adopté à l'unanimité par les membres de l'assemblée consultative, le texte tant attendu a vu le jour fin juin, avec la publication d'un décret publié au Journal officiel du 29 juin 2024.

    Désormais, les périodes de canicule sont donc bien intégrées au régime du chômage intempéries, contribuant à "permettre une prise en charge de l'interruption de l'activité en raison de la canicule", détaille le texte.


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    Des critères d'éligibilité spécifiques

    Au même titre que les demandes de remboursement, les déclarations d'arrêts de chantier en raison de la canicule doivent être faites par l'entreprise auprès des caisses régionales de congés intempéries. Une demande peut être prise en compte si l'arrêt survient entre le 1ᵉʳ juin et le 15 septembre, soit pendant la période de veille saisonnière.

    En parallèle, le travail doit être interrompu sur les chantiers, sans risque de sanction pour les salariés, si l'une des deux situations suivantes se produit :

    • une alerte de vigilance canicule orange ou rouge, correspondant à au moins 3 jours et 3 nuits consécutifs de chaleurs intenses, a été émise par Météo France dans le département du chantier concerné par l'arrêt de travail
    • un arrêté préfectoral ordonne une suspension d'activité pour le même motif.

    Quelles modalités d'indemnisation et de remboursement ?

    Comme pour les autres risques couverts par le chômage intempéries, l'entreprise reçoit un remboursement partiel des indemnités versées aux salariés durant la période d'arrêt. Les collaborateurs continuent d'être indemnisés à partir du deuxième jour, à hauteur de 75 % de leur salaire brut.

    Pour les arrêts liés à la canicule, le niveau d'indemnisation est calculé de manière spécifique et se fait en deux étapes, avec pour objectif de "rembourser au mieux les entreprises concernées sans réduire le niveau de couverture sur les risques "historiques" et sans augmenter le taux de cotisation" des employeurs, précise la CIBTP.

    Les pics de chaleur exclus du dispositif

    En revanche, la mesure réglementaire n'intègre pas, pour l'heure, les pics de chaleur dans le régime du chômage intempéries. Contrairement aux épisodes dits caniculaires, ces périodes de fortes chaleurs d'une à deux jours correspondent au niveau de vigilance canicule jaune mis en place par Météo France, durant lesquelles les entreprises du BTP ont la possibilité de maintenir l'activité sur les chantiers de construction.

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    Des obligations à respecter par les entreprises

    Quoi qu'il en soit, face aux chaleurs écrasantes constatées pendant l'été, les entreprises du bâtiment ont le devoir de respecter des obligations afin de préserver la santé et la sécurité de leurs collaborateurs sur les chantiers.

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    À noter :
    D'après le ministère de la Transition écologique, le nombre de jours de fortes chaleurs devrait doubler en France, d'ici à 2050, en raison du réchauffement climatique, avec des vagues de chaleur "de plus en plus intenses, fréquentes, précoces et longues".

    Concrètement, plusieurs mesures spécifiques, liées aux conditions et à l'organisation du travail, doivent être mises en place par l'employeur pour protéger les salariés :

    • fournir 3 litres d'eau fraîche et potable par jour à chaque salarié
    • aménager les horaires de travail, en proposant aux équipes d'attaquer plus tôt le matin par exemple, pour éviter que les salariés ne travaillent aux heures les plus chaudes de la journée
    • permettre aux employés de prendre davantage de pauses
    • aménager un local pour que les salariés puissent se mettre à l'ombre et s'abriter de la chaleur, notamment pendant leurs pauses.

    Si l'employeur ne respecte pas ces obligations, il risque des sanctions, en plus de voir le chantier se vider de ses travailleurs, amenés à exercer leur droit de retrait.

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    Références :

    • "La canicule entre dans le régime d'indemnisation du chômage intempéries", Prévention BTP
    • "Les arrêts canicule officiellement intégrés au chômage intempéries du BTP", CIBTP France
    • "La prise en charge du risque de canicule", CIBTP Île-de-France
    • "Travail et santé-environnement : quels défis à relever face aux dérèglements climatiques ?, lecese.fr
    • "La canicule enfin décrétée comme nouveau motif de chômage technique dans le BTP", Libération

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